Mais qui étaient ces gens dans la collégiale de Nivelles pour accueillir André-Joseph Léonard ce dimanche 7 mars 2010 ?
Pourquoi ai-je fait le déplacement de Louvain-la-Neuve à Nivelles ? Bonne question.
1. D'abord parce que depuis plus de 11 ans, depuis que les prix des appareils numériques est devenu abordable, je mitraille les événements significatifs dans la ville et que j'ai pris des milliers de photos de la collégiale sous le soleil et la pluie, la nuit et le grand jour.
2. Ensuite parce que, je le dis avec nostalgie, André Léonard était "mon jeune condisciple" à l'Université de Louvain-la-Neuve en 1957. Nous avons eu les mêmes maîtres (Dondeyne, Van Riet, Ladrière, ...) mais depuis les années 60 nous avons des conceptions opposées sur la bioéthique, le droit naturel, etc.
3. Aussi parce que c'était le 7 mars et que nous avions eu le plaisir de célébrer ensemble jadis cette fête des philosophes.
4. Encore parce que nous avons logé dans la même "pédagogie" et qu'un jour de Saint-Nicolas j'ai reçu le rôle d'ange gardien chargé de dire du bien de mes cokotteurs (il y avait un diable gardien qui en disait du mal).
5. Enfin parce que comme beaucoup d'assistants je suis un légitimiste et que je respecte dans leur fonction ceux qui sont mes opposants par la pensée.
Bien. Quand je vais à la collégiale j'aime bien l'aborder à pied, de loin, en prenant des photos chaque fois qu'elle apparait entre deux maisons. Chemin faisant j'entends cliqueter derrière moi des pas sur le pavé. Cela m'agace un peu, je m'arrête pour laisser passer. C'est une charmante dame au superbe manteau blanc naviguant sur des hauts talons. Elle m'interpelle : "Savez-vous qu'il se passe quelque chose de très important aujourd'hui ?". Je ne me laisse pas prendre à jouer les faux naïfs. Mais elle insiste "c'est Mgr Léonard qui vient à la cathédrale, c'est quelqu'un de très connu. Il est mondialement connu". Je ne montre pas assez d'enthousiasme. Elle se méfie. Peut-être un insoumis. "Il ne faut pas juger sans l'avoir écouté". Je promets solennellement d'au moins l'écouter, c'est le service minimum de l'obéissance et du respect. Nous allons ensemble vers le portail de la collégiale. Je m'arrête plus tôt pour fixer les cameramen.
A l'entrée dans l'église des tracts d'associations "provita". On me les donne comme si je faisais partie du club, puisque je viens à la messe de Mgr Léonard. Même sentiment à la sortie. On me parle de "l'invitation" pas d'une invitation.
Je gagne mon emplacement habituel. Je suis plutôt un chrétien du côté des colonnes de gauche, au bord de la nef latérale. Mes voisines de chaise m'accueillent en regardant quel individu va occuper une des dernières chaises libres. Elles viennent de Bois-Seigneur-Isaac. "C'est une grande grâce pour l'Eglise en Belgique". Plus tard un monsieur de Gand-Gent pose une chaise encore à ma gauche. Cela n'indique en rien sa position idéologique. Il fait la tournée des premières messes de Mgr l'archevêque. Il me demande le nom des gens qui montent vers l'autel. Je rate ma grande distinction en ne reconnaissant pas le deuxième nonce, celui de l'Union européenne. Heureusement il n'y en a pas auprès de l'Otan.
Je regarde autour de moi. Ce n'est pas vraiment "le peuple de gauche" mais il y a une certaine diversité comme de plus en plus dans l'église. Pas mal de gens engagés dans leur paroisse. Parmi eux plusieurs vivent en compagnonnage, certains après un mariage. Certains perdent la voix au moment de la profession de foi. Des phrases sont devenues pour eux imprononçables. De plus en plus des humains qui ne partagent pas entièrement la foi ni les pratiques morales de leurs responsables religieux participent à des rites.
Homélie avec la verve coutumière d'André Léonard. A un moment l'assemblée retient son souffle quand le nouvel archevêque parle des divorcés remariés. Un murmure plutôt approbateur mais il faudra réécouter cela à l'aise. On me dit que ce n'était pas tout à fait la même chose à Bruxelles. Il rappelle sa devise "Marana tha! Viens Seigneur Jésus". Il glisse sur le ton de la confidence que le plus tôt sera le mieux. Avec impertinence ma pensée me suggère : il y en a sans doute qui espèrent que ce souhait se réalise. Mais j'efface d'un coup de frotteur sur le tableau noir de mon cerveau.
Geste de paix. Un bref contact avec mes voisins et voisines. La dame en blanc me fait un petit signe deux rangées plus loin mais plutôt allée centrale. Non je ne mettrai pas une annonce dans le journal Métro. "Vous aviez un beau manteau blanc et des hauts talons. Nous avons échangé quelques mots. Quand puis-je vous revoir ? Je viens à la collégiale pour les cérémonies d'adieu et d'accueil des archevêques. Serez-vous là dans cinq ans ? Écrivez-moi au bureau du journal." Non je n'écrirai pas de petite annonce.
La célébration se termine. Je suis soudain troublé de ce que les femmes n'aient eu de place significative que dans les chants. Et c'est demain la journée des femmes!!! J'espère qu'elles me pardonneront d'avoir assisté à une cérémonie structurellement machiste (de plus au moment où je mets en forme ce texte, Madame Groult parle sur TV5, heureusement elle ne regarde pas de mon côté).
L'assemblée se disperse. Quelques-uns se précipitent à l'école voisine pour se réchauffer (mais comme l'avait dit insidieusement Léonard, il faisait plus froid pour les adieux de Danneels). Après un petit verre de mousseux (merci aux élèves du Sacré-Coeur pour le service impeccable), je sors sur la rue pour voir si je ne peux pas remettre sur le droit chemin des chrétiens égarés. Je croise l'archevêque guidé par le doyen. André et Paul retrouvent leur prénom d'il y a un demi-siècle (André prétend que nous nous connaissons depuis un millénaire). Heureusement, car comme je l'entends parfois à la messe je n'arrive pas à prononcer André-Joseph (ni André-Mutien). Quand il sera pape sera-ce André-Pierre-et-Paul. Encore plus long.
Je retourne à la fête. J'y retrouve des amis des années 50 et 60. C'est comme aux enterrements.
Les combats sur la bioéthique sont pour demain. J'espère que l'archevêque ne s'enfoncera pas davantage sur les questions d'homosexualité, de contraception, ... Un petit recyclage en biologie ferait du bien aux responsables de l'Église, et à quelques autres humains.
08 March 2010
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