17 January 2010

André Léonard à Malines. Réaction d'un scientifique

Je voulais écrire ce petit texte de blog dans une période où André-Mutien Léonard n’a pas encore été officiellement désigné comme archevêque de Malines-Bruxelles. C’est un temps où l’on peut exprimer plus facilement ses espoirs et ses inquiétudes.
C’est avant tout comme scientifique que je réagis. J’ai passé 50 ans de ma vie à réfléchir aux relations entre les sciences et les convictions, et particulièrement la tradition chrétienne. C’est vrai j’ai un lourd passé chrétien. Et c’est avec un sourire que je me souviens que jadis, comme « caudataire » officiel du Cardinal Suenens, je tenais le bord de sa longue traine (3 mètres de long au lieu de 5 mètres pour son prédécesseur Van Roey) et qu’à chaque grande célébration je lui remettais son pallium, symbole de sa fonction d’archevêque. Je remettais à l’archevêque de Malines le signe textile de sa fonction, de sa communion avec l’évêque de Rome ! Je me rappelle aussi que dans la préparation du Concile il m’avait confié une recherche préliminaire sur la femme dans les Pères de l’Eglise. Je ne pense pas que ma contribution ait été décisive mais j’ai relevé le défi d’agir toujours pour une égalité homme – femme.

Depuis le début des années 60, une thèse de doctorat en biologie a coloré différemment mes options philosophiques et théologiques. J’ai été un observateur attentif des options bioéthiques de l’Eglise catholique de Belgique. Comme beaucoup de journalistes j’ai admiré le comportement du Cardinal Danneels face aux changements profonds de la législation belge en matière de problèmes de société. Il a dû mordre sur sa chique mais il a montré une attitude d’ouverture paisible pour laquelle il faut être reconnaissant. Cela ne l’a pas empêché d’affirmer clairement la place de l’Eglise dans de grandes épreuves et dans des débats essentiels. En apparaissant côte à côte avec les représentants d’autres traditions philosophiques et religieuses, il a validé le rôle de l’Eglise dans une société pluraliste. Il a fermé délicatement l’époque de la chrétienté dans le royaume de Belgique.

Respectueux des lois, il a montré aussi que l’Eglise évoluait. Deux souvenirs. Lorsque dans une émission télé (Les allumés.be ?) on l’interrogeait sur l’âme, il a répondu « l’âme mais c’est de la philosophie grecque cela ». Et une autre lorsqu’il reconnaissait que les chrétiens n’allaient plus à la messe tous les dimanches et que c'était normal. Tout de même il m’a déçu lorsque récemment sur la question des femmes-prêtres il disait que c’était à cause de Jésus-Christ. Les relations hommes-femmes ont tout de même changé depuis 2000 ans.

Nombreux sont donc les baptisés qui sur des questions de bioéthique et de société ne font pas le même choix que le Vatican. Grâce à Danneels ils ne se sont pas sentis éjectés de la communion ecclésiale.

Connaissant les choix philosophiques et théologiques d’André Léonard, j’ai crainte que le Vatican ne l’ait sélectionné pour partir à la reconquista des positions de chrétienté. Le Soir de ce samedi titrait : « Benoît XVI ose Mgr Léonard ». Cela ressemble effectivement à une provocation. On nomme un évêque plus conservateur pour reprendre du terrain perdu. Pour moi c’est un fonctionnement suicidaire. J’attends que les journalistes d’investigation nous éclairent sur les tractations qui ont abouti au choix de l’évêque de Namur. Quel rôle a joué le nouveau nonce conservateur ? L’ancien avait-il un autre favori ?

L’Eglise a quelque chose d’important à dire dans les questions de société mais pas au nom d’une philosophie dite naturelle. Les pratiques de contraception, les scénarios de fin de vie, le déroulement des grossesses… ne sont pas des choix purement techniques. Elles peuvent être légitimement influencées par les traditions philosophiques. Il me semble que l'Eglise confonde "la vie" et les personnes vivantes. C'est une espèce d'idolatrie. On confond la personne et une de ses caractéristiques.

Je pense que la chrétienté, et en particulier belge, peut faire une relecture de questions comme la contraception (après la tragique erreur d’Humanae Vitae), le diagnostic préimplantatoire, la recherche sur des cellules souches, les interventions en cours de grossesse, l’égalité fondamentale hommes-femmes dans toutes les fonctions publiques d’une société, les scénarios de fin de vie, les comportements homosexuels, l’éthique dans les neurosciences… La liste n’est pas close. Il y a des chantiers considérables dans lesquels les différentes traditions religieuses et philosophiques peuvent exprimer des sensibilités différentes.

Au cours de son histoire, la tradition chrétienne a rencontré de nombreuses cultures. La nôtre est profondément marquée par les sciences et les techniques. J’espère que l’Eglise en Belgique aura l’audace de revisiter ces enjeux avec intelligence.

Voilà. C'est un texte vite écrit. On peut évidemment y réagir sans allusions personnelles, injures, ... Ne pas jeter le petit Jésus avec l'eau de la Mer Rouge.

1 comment:

Louvances Leuven Louvain-la-Neuve said...

http://www.golias.fr/spip.php?article3319