02 January 2016

Euthanasie dans des établissements catholiques ? Jozef De Kesel



·         Une intervention du nouvel archevêque sur la possibilité de refuser avortement et euthanasie dans des établissements organisés par l’Église catholique a provoqué diverses réactions, certaines peut-être mal calibrées. Je ne pense pas que quelques mots de Mgr De Kesel ferment une porte.
·         La réponse des institutions à une demande de mort volontaire est une question à laquelle je réfléchis depuis plus de 50 ans et il me semble qu’on peut aller vers des pratiques sereines.
·         Je voudrais réagir non pas comme biologiste, théologien ou philosophe mais comme potentiel patient en fin de vie.
·         On cite le cas d’une résidente à laquelle une maison de repos catholique a refusé qu’un médecin extérieur vienne accomplir un acte euthanasique et qui a dû rentrer à son domicile pour que sa volonté soit respectée.
·         Ce cas va faire l’objet d’un procès. On va évidemment éplucher la loi, sa préparation, les enseignements de sa mise en œuvre. Le site Kerknet rappelle que la loi de 2002 est une loi de dépénalisation et pas d’autorisation. Le droit à l’objection de conscience est reconnu par chacun à tous les praticiens. La question des lieux où cela se pratique est plus délicate. L’esprit de la loi serait-il respecté si une personne en fin de vie ne trouvait pas de lieu où sa volonté puisse s’accomplir ?
·         Comme biologiste je suis avant tout un observateur de l’évolution des comportements. J’écoute avec une oreille très attentive ce que les gens disent de leur propre mort. Beaucoup ne désirent pas intervenir pour agir sur le moment de cette mort. D’autres, de plus en plus nombreux, désirent qu’un choix large leur reste ouvert où qu’ils soient. Parce qu’ils souffrent trop, ou que leur dignité n’est plus préservée, et/ou qu’ils ont le sentiment d’une « vie accomplie ». Que tout ce qui est en plus serait en trop.
·         La législation favorise l’autonomie. Droits du patient, choix d’une personne de confiance, directives anticipées…
·         Depuis 2002 la représentation que les gens ont de leur fin de vie a considérablement évolué. Beaucoup ne souhaitent pas vivre le plus longtemps possible. On entend : « 85 ans ce serait bien, et en bonne santé de base, et en tout cas avec ma tête ». À Louvain-la-Neuve je vois de plus en plus d’aînés qui ont choisi d’y venir et d’y garder le dernier lieu de leur existence.
·         Le déménagement plus ou moins forcé (pour certains c’est un bon choix) vers une maison de retraite n’est pas vraiment dans leur plan. Le choix ne se fait sans doute pas en fonction de l’étiquette religieuse. Et on n’aimerait pas que dans le prospectus il soit indiqué « interdiction de pratiquer l’euthanasie » à côté de celle de posséder chien ou chat.
·         Je souhaiterais donc qu’aucun établissement de repos ou de soin (il devient difficile de différencier les deux) n’indique de restriction éthique. Il est normal que ces lieux n’aient pas toujours de praticien désireux de pratiquer cet accompagnement. Comme pour la visite d’un spécialiste extérieur il serait normal de bien accueillir un médecin généraliste ou un autre médecin.
·         Comme baptisé il me semble même que ce serait la pratique la plus conforme aux valeurs chrétiennes. Accompagner des personnes en fin de vie dans leur ultime liberté, de quelque conviction qu’ils se réclament, en veillant à éviter toute pression extérieure.
·         Et même, mais là je ne suis pas suivi par tous mes amis, je pense que pour de nombreux baptisés « interruptions volontaires de grossesse » et « mort volontaire accompagnée » sont en cohérence avec les valeurs chrétiennes, qu’elles sont parfois le comportement optimal, « le meilleur bien » ou « le moindre mal », ou en tout cas un choix respectable.
·         La morale chrétienne ce n’est pas respecter la vie comme phénomène physicochimique (on peut l’admirer, l’étudier, la favoriser…) mais la personne humaine.

14 December 2015

Malines-Mechelen 12 décembre. Joseph De Kesel est le nouvel archevêque




Malines, un de mes « villes de cœur », avec Leuven et Louvain-la-Neuve bien sûr. Je la connaissais déjà dans les années 40. Un de mes grands-oncles était percepteur des postes à Nekkerspoel et vers 1950 notre famille avait assisté à la grande procession d’Hanswyck avec sa veuve Octavie. C’était la fête du renouveau de Malines après des bombardements massifs et meurtriers. Il était dangereux de loger près des gares. Pendant la guerre on avait proposé aux séminaristes d’être accueillis dans les fermes familiales de leurs condisciples. Avec la remarque « Vous allez habiter avec les sœurs d’autres séminaristes, faites attention, ce sont de saintes filles, mais ce sont les cierges bénits qui brûlent le mieux.


Dans le cortège de 1950 je n’ai pas oublié un groupe folklorique d’ « éteigneurs de lune », « Maaneblussers » selon l’orthographe de mon enfance. C’est le sobriquet donné aux Malinois qui pendant l’hiver de 1687 avaient mobilisé seaux et échelles pour un incendie qui n’était en réalité que le reflet orangé de la Lune dans les vitraux de la cathédrale Saint-Rombaut.
J’ai vécu pendant 3 ans dans cette superbe ville lorsque, dans ma première vie, je fus étudiant en théologie au grand séminaire de la rue de Mérode. Ce samedi j’ai retrouvé avec délices rues et ses bâtiments anciens. Si vous aimez les villes flamandes, ne ratez pas Malines, à moins d’une demi-heure de train de Bruxelles.
Dans Saint-Rombaut, j’avais participé le 10 aout 1961 aux funérailles du Cardinal Van Roey. On enterrait une époque, on mettait au caveau un des derniers Princes de l’Église. Son successeur Suenens fut un prince turbulent. Dans la cathédrale j’étais très proche de lui car, très bon élève en liturgie, j’avais été nommé « caudataire ». « Votre nouveau caudataire, éminence » avait dit le chanoine Rabau. Je suivais le Cardinal dans tous ses déplacements en tenant la longue traine, sa « cappa magna ». Trois mètres derrière lui, pour Van Roey cela devait être cinq, Suenens avait restreint le faste mais seulement de 40%. L’occasion de parler un peu seul à seul avec lui dans la sacristie et plus tard dans son palais.
En 1965 il m’avait convoqué pour parler biologie et morale. Nous avons échangé ensemble comme si le contrôle de la reproduction n’était pas vraiment un gros problème. Il était sur ce point assez proche de professeurs de l’ULB. Cette conversation a déterminé le choix de ma thèse de doctorat et donc de mon enseignement à l’UCL. Hélas, dès 1968, désavoué par Humanae Vitae sur les problèmes éthiques, Suenens s’était replié dans une extrême prudence, tempérée heureusement par la doctrine traditionnelle : le dernier mot reste à la « conscience personnelle ». Moi qui avais été envoyé en éclaireur sur la question de la biologie et des convictions, je me suis retrouvé abandonné bien au-delà des lignes de repli de Suenens. Il s'est lancé alors sur le terrain moins miné des mouvements charismatiques. Des amis m’ont dit que j’avais été « satellisé ».
Tout ceci pour expliquer que le passage du siège épiscopal à un nouvel archevêque, ce 12 décembre 2015, était pour moi l’occasion de retrouver des lieux très chers. Les journaux ont raconté cet évènement, présenté les choix de Joseph De Kesel, assez différents de ceux de son prédécesseur André Léonard. Je retiens que la « doctrine » et la « morale » ne sont pas les cœurs de la foi. Ouf !
Beaucoup d’espoirs reposent sur le nouvel archevêque. En allant photographier le nouveau siège liturgique de l’évêque, sa cathèdre, j’ai vu qu’elle était en verre. Est-ce pour annoncer un règne de transparence ? Je suis intrigué par son blason. Une brebis et une ville. Une ville libre, dans et hors les murs ? Une brebis libre ? Parfois broutant dans l’enclos sur un sol trop piétiné, et très souvent courant dans les prés d’herbe fraiche. « Elles vont et viennent » dit l’Evangile. Beaucoup d’espoirs à Malines-Bruxelles après un quinquennat difficile. L’assemblée a offert à Joseph De Kesel une « standing ovation » sonorisée par de très longs applaudissements. Ses premières interventions sont prometteuses. À suivre.
Quelques phrases glanées ici et là. Bien dans le prolongement de Vatican II dans sa Constitution pastorale « Gaudium et spes », sur « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps ». J’aime me souvenir que lors d’une étape de sa conception, ce texte s’est appelé « schéma de Malines ».
Selon Joseph De Kesel :
·         « L’Église doit rester une communauté ouverte, qui ne s’isole pas de la société. »
·         « Je suis profondément convaincu que l’Église est en crise mais, pour moi, le mot crise est un concept positif. C’est à dire que c’est un moment de changement. Il faut accepter la situation telle qu’elle est aujourd’hui et, à partir de là, construire un avenir nouveau »
·         « Être croyant n’est plus un réflexe spontané, alors que l’Église était omniprésente jusqu’aux années 50 et avait une forte influence et position »,
·         « La séparation entre l’Église et l’État est très importante et les autorités doivent être neutres, mais la société elle-même n’est pas neutre. La religion est présente dans la société. »
·         « Une Église qui reste ouverte et ne s’isole pas de la société. Une Église qui existe pour une conviction mais a également un grand respect pour ceux qui ne partagent pas son idéologie. »
J’ai bien aimé les intentions de prières en différentes langues, y compris en italien, espagnol et araméen. Les premières intentions en français et en néerlandais ont été reprises dans l’assemblée dominicale du 13 décembre à ND d’Espérance (Louvain-la-Neuve Bruyères). -Tout ceci dit je dois tout de même exprimer une très grande déception.
C’était une cérémonie anachroniquement, horriblement, désespérément masculine. À part la diversité des langues, la sobriété des vêtements, les photos numériques et la qualité de l’homélie, cela aurait pu être une passation de pouvoirs du temps du Cardinal Van Roey il y a plus de 50 ans.
Un long cortège d’hommes : collecteurs de Saint-Rombaut, 30 diacres, 140 prêtres, 20 évêques… Tous les évêques belges étaient présents, ainsi que trois évêques des Pays-Bas, dont le Cardinal Eijk, et l’évêque auxiliaire de Lille. À moins que je n’aie pas tout vu, les femmes n’ont été mises en évidence que pour l’accueil des invités et pour les intentions.
Ce maintien de la tradition est-il lié à cette cathédrale ? Je me souviens qu’en 1962 on ne donnait pas la communion à la grand-messe chantée. Pour communier les fidèles devaient assister à une messe plus matinale. Une dame s’est présentée et a demandé la communion. Effarement dans les rangs des chanoines. Finalement un prêtre est allé jusqu’au tabernacle. La dame était effarée d’avoir troublé l’ordre séculaire.
J’étais furieux. Je suis allé voir immédiatement le chanoine Rabau et je l’ai engueulé. On était au début du Concile avec un texte sur l’évolution de la liturgie. Rabau mon professeur s’est excusé comme un élève pris en faute et s’est excusé en murmurant « cela ne n’arrivera plus, Paul ! »
À la même époque, le professeur Robert Blomme m’avait demandé de repérer à la bibliothèque des références sur la place des hommes et des femmes chez les Pères de l’Église. J’ai contribué ne serait-ce que quelques minutes à la préparation de textes conciliaires de Vatican II. J’aurais aimé que comme le désirait Pierre de Locht, cela rendent égaux « femmes et hommes dans l’Église »
Ce samedi j’ai éprouvé une vraie déception. Au temps où dans l’Église des femmes ont la charge de paroisse et même d’unités pastorales plus larges, leur présence était samedi « insignifiante ». Pour la prochaine fois, en 2022, j’espère qu’on aura un cortège et un chœur enfin équilibrés. Si l’Église veut être crédible dans la société civile elle doit d’urgence s’aligner sur l’évolution dans l’équilibre des genres, même lente et imparfaite, des différentes professions dans le monde. Comment laisse-t-on survivre cet archaïsme justifié par une anthropologie désuète ?
Moi je ne prie plus pour les vocations sacerdotales. L’Église n’a pas à se lamenter. À part le cœur du Baptême et de l’Eucharistie elle a l’entière maitrise de ses sacrements. Les fondateurs n’ont pas déposé de statuts décidant de l’accès à telle ou telle tâche. Pourquoi ne pas renouveler l’image des ministères, y compris les ministères au service de l’unité, en levant les interdits professionnels ? Qu’est-ce qui empêche l’Église de lever les barrières de genre (de sexe), d’état civil, d’âge, de durée d’engagement, d’orientation sexuelle, de profession exercée (sauf les conflits d’intérêt qui peuvent être temporaires), … En maintenant l’indispensable « discernement », une formation solide, la collégialité à tous niveaux, l’accueil par une assemblée de fidèles…
Tout cela l’Église le peut « sans délai aucun ». Rien n’empêche de faire monter dans le chœur des hommes et des femmes qui collaborent de fait au service de l’Église locale. Pour parler du diocèse de Malines-Bruxelles, la liturgie de la Paroisse universitaire flamande met les membres, hommes et femmes, de l’équipe sur un plan d’égalité, y compris devant l’autel. Ce n’est qu’au moment des paroles de la consécration qu’un prêtre ordonné avance d’un pas, pour être en conformité avec la pratique actuelle de l’Église universelle.
Voilà. Je dis à la fois ma déception et mon espérance. Dès la fin des années 60, j’avais bien anticipé et accompagné le développement de l’informatique, de l’écologie (« Nous n’avons qu’une seule Terre »), des neurosciences… Je ne m’étais pas trompé, on me le dit souvent. Mais j’avais vraiment cru que dès les années 70, femmes et hommes seraient « égales-égaux » dans mon Église, pour toutes les fonctions, pour tous les services. C’était une lourde erreur et depuis 40 ans je me sens mal à l’aise dans des concélébrations qui ne concernent que des mâles.
Peut-être le nouvel archevêque pourra-il contribuer puissamment à cette égalité fondamentale et donner un signal au monde entier. Ce sera peut-être dans un premier temps pour l’Europe occidentale, peut-être pour quelques pays si le Vatican est frileux.
Après la cérémonie je me promène dans la ville. À partir de la place où Charles-Quint a joué enfant, je regarde, je photographie la tour massive de Saint-Rombaut. Elle se voyait pointer à 167 mètres, elle se contentera de 97 mètres. Finalement je la verrais mal avec un clocher pointu.
Je passe quelques instants sur un pont de la Dyle, cette rivière dans la vallée de laquelle je vis depuis 60 ans à Leuven, Malines et Louvain-la-Neuve. Je me sens Brabançon, le Brabant des trams vicinaux de jadis mordant un peu sur Ninove, Alost, Malines. Survivant de cette culture bilingue que je voudrais relancer un peu, si peu, par le jumelage entre Leuven et Ottignies-Louvain-la-Neuve. Ce samedi j’ai goûté pendant une après-midi à une Malines multiculturelle, multiconvictionnelle. Un beau défi.

06 November 2014

Jacques Vermeylen est mort. Funérailles ce samedi 8 à Sainte-Suzanne

L'abbé Jacques Vermeylen est décédé. 17 novembre 1942. 3 novembre 2014.
Funérailles ce samedi 8 novembre 2014 dans l'église Sainte-Suzanne. Près du Boulevard Lambermont et du Parc Josaphat.

Accueil par la famille à partir de 10h30. Eucharistie à 11 heures.
https://plus.google.com/105803044942241690037/about?gl=be&hl=fr 

Quelques liens
http://www.lalibre.be/regions/bruxelles/jacques-vermeylen-un-grand-acteur-de-l-eglise-a-bruxelles-545bcd423570a5ad0ee0e084 Christian Laporte dans La Libre Belgique
http://www.catho-bruxelles.be/Hommage-a-Jacques-Vermeylen-a-la
http://www.catho-bruxelles.be/IMG/pdf/jv2008.pdf
http://www.nrt.be/fr/Rue-de-la-Pr%C3%A9-Voyance.-Essais-sur-la-pens%C3%A9e-de-Pierre-de-Locht%2C-%C3%A9d.-J.-Debelle-recension-5063
https://www.facebook.com/jacques.lison.9/posts/10153499630866686
http://jeanbaudet.over-blog.com/article-jacques-vermeylen-lecteur-d-isaie-123991849.html
http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/ficheauteur.asp?n_aut=914
Psaumes de la Bible, psaumes d'aujourd'huiLe Marché, le Temple et l'Évangile
Des déserts et des hommesJérusalem centre du mondeLe Dieu de la promesse et le Dieu de l'alliance
Le Pouvoir — Enquêtes dans l'un et l'autre Testament
L'Identité dans l'Écriture




Sur Facebook, Jacques Lison, théologien canadien annonce :
Jacques Vermeylen vient de nous quitter paisiblement. C'était un collègue, exégète renommé, et un ami au sens un peu plus réel que Facebook donne à ce mot. Je me souviens de lui, de tout ce que nous avons échangé et espéré en Église. On m'écrit qu'il est parti sur la pointe des pieds avec foi et dans la paix...